Le séjour en Floride était effectivement le clou du voyage.
Non pas que la première partie à NY et New Jersey était insignifiante loin s’en
faut ; mais en Floride c’était la partie vivante, émotionnelle et
proprement vibrante du voyage aux EU.
Le décor là aussi n’a rien pour déplaire et en ce mois de
juin où le printemps tarde à se muer en été, l’arrivée à Sarasota est une sorte
de délivrance : le ciel bleu, le soleil, la chaleur intense et tout le
décorum de vacances comme en rêve tout parisien frustré par le climat ambiant.
Les palmiers, la mer azur en ligne de mire et un sable farine digne des plus
belles plages du monde. D’ailleurs à Sarasota on n’est pas peu fier de crier
que Siesta Key est la « number one beach in USA ». Nous nous
installons dans un B&B à 50 m de la plage sur Long Boat Key et la première
journée est à nous : le sable et l’eau à 30°. Nous finissons la journée
comme des papes les pieds dans le sable à déguster au coucher du soleil des
crispy calamaris l’une des spécialités locales. Pour un voyage que nous
imaginions sérieux voire compliqué, le déroulement des étapes semble beaucoup
plus nuancée.
Vendredi matin départ pour les bureaux d’Open Arms
Consultant. Les sentiments sont mitigés, un mix de stress, d’excitation,
d’impatience et d’appréhension comme si une partie de notre vie allait se jouer
dans les prochaines quatre heures. L’environnement tropical et l’accueil
familial nous fait tout oublier. Plus aucune anticipation, nous nous plongeons
dans l’instant présent. Ghizlane, notre coordinatrice est là, première
rencontre de visu, jusqu’alors nous ne étions parlé qu’au téléphone. Nous
l’avions imaginé chacun différemment, au final elle ressemble à un ange
souriant, qui plus est une ressemblance troublante avec l’une de nos meilleures
amies. Autant dire que la partie semble gagner ! Il va se passer quelque
chose de très étrange pendant ces quatre prochaines heures comme si la
confrontation de la réalité que nous vivons ici - Bradenton Floride USA –
étaient complètement déconnectées des fantasmes projetés en France sur la
gestation pour autrui. J’étais déjà en colère concernant le manque de
professionnalisme des médias et des intellectuels français à ce sujet. En
repartant des USA je suis fou de rage. Comment peut-on asséner autant de contre
vérités, de mensonges et de raccourcis sur le sujet avec autant de mauvaise foi
dans un pays comme le nôtre ?
Pour l’instant, nous appréhendons le présent et le futur
avec la même délectation. Après un entretien avec une psychologue sur nos
motivations, nos histoires, notre envie d’être parent, nous voici réunis à Ami
et son mari. C’est assez étrange de se retrouver face à face la future mère
(porteuse) de notre ou nos enfants sans qu’il existe aucune histoire. L’histoire,
la notre est en marche, nous la fabriquons avec Ami mais aussi Jerry son mari
et l’aide de tous ces gens qui croient que des homos eux aussi peuvent devenir
parents. Il y a un mélange de retenue et de proximité dans nos échanges, comme
si nous avions déjà beaucoup en commun, pourtant pour l’instant tout reste à
construire. Mais devant la simplicité d’Ami et son approche nous nous jetons
encore plus sereinement notre propre histoire. Ami est mariée à Jerry depuis 19
ans, avec mon amoureux nous sommes ensemble depuis 18 ans, ils ont 3 enfants,
nous en avons un. Ami est consultante informatique et Jerry pompier
professionnel. Nous sommes loi des clichés et fantasmes malsains de ceux qui n’ont
pas voulu se renseigner sur ce qu’est la GPA au Etats Unis. Nous sommes face à
des personnes comme nous, qui ressemblent à nos amis, à nos voisins, à nos
proches, à nos connaissances. Quelle chose bizarre de vivre une situation aux projections différentes que l’on soit d’un côté ou de l’autre de l’Atlantique.
Messieurs mesdames les conservateurs français qui encensaient tant les Etats
Unis pour leur modèle libéral et leur exemplarité, ne pourriez-vous pas changer
le bout de votre lorgnette quand il s’agit de devenir parent ?